À la fin de cette semaine de la Passion de Jésus, je suggère qu’on ajoute le nom de Francis Mounadhel à la liste des Saints Martyrs canadiens. Si les récits des martyres des premiers Jésuites canadiens nous sont parvenus de seconde ou de troisième mains, en voici un de première main, tel que trouvé sur l’internet, relaté par le martyr lui-même. Son martyre a commencé à une manif où il aurait été brutalisé. J’ai déjà proposé pourtant une manif contre la brutalité étudiante. Mais… silence! Voici son récit :
C’est très technique, ceci est mon témoignage du 1er mai de l’année dernière. J’ai été acquitté durant le mois de mars, étant donné le contexte, j’ai décidé de le partager.
J’ai été interpellé le 1er mai 2014 sur la rue Saint François Xavier par des policiers agressifs et violents, en marge, c’est-à-dire non pas à l’intérieur mais plutôt à environ une centaine de mètres, de la manifestation de la Fête des travailleurs. Ils ne m’ont pas arrêté à proprement parler, mais plutôt agressé verbalement et physiquement. Étant donnée leur agressivité verbale et physique, j’ai eu extrêmement peur pour ma sécurité. En effet, j’ai perçu comme des menaces certaines phrases qu’ils m’ont adressées, comme « On va te pogner, mon tabarnack » ou « Lui, il faut qu’on le pogne ». Ils m’ont également insulté, et l’un d’eux m’est délibérément rentré dedans avec son vélo, me frappant avec sa roue avant. J’ai donc décidé d’aller vers la rue St-Antoine, où il y avait des passant-e-s et des témoins. Plusieurs policiers à vélo, m’ayant suivi, m’ont alors bousculé et projeté au sol. Ils ont alors procédé à mon arrestation, en me disant : « On te cherchait depuis un petit bout, mon tabarnack ».
Lors de ma fouille/mon arrestation, les policiers ont proféré des insultes à mon endroit; ils me tutoyaient, ils me bousculaient. Lorsqu’ils ont fouillé mon portefeuille, ils ont trouvé mon carnet de réclamation offert par Emploi Québec, qui atteste de mon droit à la Solidarité Sociale. Les policiers ont commencé à m’insulter en me traitant de « ostie de B.S. de crisse qui ne travaille pas ». Je les ai informés que je suis autiste sans D.I., sans déficience intellectuelle, qu’il s’agit d’un trouble neurologique et non pas mental. Je leur ai dit que je ne comprenais pas leur comportement à mon égard, qu’ils n’avaient pas à me traiter ainsi, que j’avais droit à cette Solidarité Sociale, car j’ai des contraintes sévères à l’emploi. Lorsqu’ils ont appris que j’étais autiste sans déficience intellectuelle, ce que j’avais clairement exprimé et expliqué, ils ont commencé à me traiter de « malade mental », de « fou », en m’affirmant que je devrais prendre une médication pour « ne plus être autiste et stupide ».
Ensuite, ils m’ont assis, les mains menottées dans le dos. Un policier m’a forcé à lever la tête pendant qu’un autre policier me prenait en photo, et ce, à moins d’un mètre de mon visage. Le policier qui prenait la photo m’a affirmé qu’ils allaient maintenant avoir ma « petite face de trou de cul pour bien se souvenir de [moi] ». J’ai affirmé que je ne voulais pas être pris en photo et j’ai demandé si cela était légal. J’ai également demandé le matricule du policier qui prenait la photo, ce qu’il a refusé de me donner. Les policiers continuaient de m’insulter; j’ai demandé leur matricule, et ils ont tous refusé de me le donner.
Après m’avoir fouillé, ils m’ont ensuite fait monter dans un véhicule, qui a alors reculé d’une dizaine de mètres à peine (nous étions toujours sur St-Antoine). Ils m’ont sorti du véhicule pour me transférer dans un autre véhicule de police, en me fouillant encore. Ils ont alors roulé en direction de l’est. Nous nous sommes retrouvés sur la rue Fullum sud, en face d’un bureau d’Hydro-Québec. Je suis resté une vingtaine de minutes dans le véhicule, jusqu’à ce qu’ils m’en sortent pour me conduire derrière une camionnette du SPVM. Un jeune policier, dans la trentaine, m’a alors expliqué qu’ils allaient me fouiller, que c’était pour leur sécurité et la mienne, que c’était la procédure. Il m’a demandé si je comprenais et si j’allais être coopératif. Je lui ai expliqué que je comprenais la procédure mais que j’avais un très fort malaise à me faire toucher par des inconnus et que cela créait du stress et de l’anxiété chez moi. Ce même policier a commencé à me fouiller de manière très insistante, en me touchant les parties génitales.
Ensuite, ils m’ont embarqué à l’arrière de la camionnette, dans la section de droite. J’étais toujours menotté, mais les mains devant cette fois. Un nouveau policier est venu m’expliquer que je pourrais parler avec mon avocat et qu’ils le contacteraient pour que je puisse lui parler au téléphone. Ça a pris quelques minutes pour le rejoindre. Ensuite, j’ai parlé avec maître P, qui m’a expliqué qu’on l’avait informé que j’avais été arrêté pour voies de fait armées sur des policiers et qu’il ne pouvait pas prendre ma cause. Il m’a dit qu’il allait transférer mon dossier à un autre avocat que je pourrais contacter au poste de police. J’étais seul, la porte de la camionnette était fermée. Lorsque mon appel a été terminé, le policier qui s’est occupé de mon appel est venu m’expliquer que je pourrais contacter un autre avocat une fois arrivé au poste de police.
Les deux policiers qui s’occupaient de la camionnette et de moi étaient en face de la porte ouverte de la camionnette alors que j’étais toujours assis à l’intérieur. Un homme semblant être dans la cinquantaine, aux cheveux gris, de 6 pieds ou plus, s’est approché et a ordonné à ces deux policiers de s’éloigner car il voulait me parler seul à seul. Lorsque les deux policiers sont partis, il s’est assuré qu’il n’y avait personne autour qui puisse entendre, puis a posé le pied dans la camionnette et s’est placé à environ 30 centimètres de mon visage. Je sentais alors que ma sécurité était menacée. L’homme m’a affirmé qu’il était policier et qu’il était bien placé, qu’il avait « plusieurs années de métier ». Il m’a dit : « C’est pas la première fois qu’on t’arrête. Si tu continues à militer, on va s’occuper de ta petite face de trou de cul. La prochaine fois, tu te rendras pas au poste de police, ni à l’hôpital, pis ta petite face de trou de cul, on va la faire disparaître. » J’ai alors dit que c’était des menaces de mort. L’homme m’a alors dit que oui, c’était des menaces de mort, et qu’il ne s’inquiétait pas du tout de m’en avoir fait. Il m’a dit : « Je suis intouchable. » Je lui ai demandé son nom; il m’a dit qu’il s’appelait « Dextrase ». J’ai dit que j’aimerais avoir son vrai nom et son matricule, étant donné qu’il affirmait être policier. Il a dit qu’il « n’en avait rien à faire » et est parti à rire. J’ai crié : « Ce sont des menaces de mort. Qu’est-ce qui se passe ici, ce n’est pas normal comme traitement. C’est illégal. » Le plus jeune des deux policiers responsables de la camionnette s’est alors approché et a fermé la porte de celle-ci.
Ils m’ont ensuite conduit au poste de police de Saint-Léonard. Lorsqu’ils m’ont sorti de la camionnette, à l’intérieur du poste de police, dans le garage, j’ai demandé quel était le nom du policier qui était venu me parler seul à seul avant que nous partions pour le poste de police. Le plus âgé des deux policiers responsables de la camionnette semblait mal à l’aise, et semblait être sur le point de me donner une réponse, lorsque le plus jeune m’a répondu que je n’étais plus coopératif, qu’ils n’étaient au courant de rien, et que si je continuais à poser des questions et à ne plus être coopératif, « ça n’allait pas être bon pour [moi] ». J’ai alors répondu que j’étais très coopératif étant donné ma situation, mais que j’étais dans le droit d’exiger de connaître le nom de l’homme qui m’avait parlé et lui avait ordonné de s’éloigner. Il m’a alors dit qu’il ne recevait d’ordres de personne et m’a sommé de me taire. Nous avons franchi une porte, nous sommes arrivés à un comptoir où il y avait un autre policier. Le plus jeune des deux policiers avec qui je venais de parler a alors déclaré que je n’étais pas coopératif et que je racontais n’importe quoi pour me victimiser. Le troisième policier, celui qui était derrière le comptoir, a alors pris mes effets personnels et des renseignements concernant mon identité (nom, adresse, etc.) Le plus jeune des deux policiers qui m’avaient emmené en camionnette a alors procédé à une nouvelle fouille, il faisait des commentaires désobligeants sur mes vêtements et ma manière de m’habiller.
J’ai ensuite été conduit dans une cellule, seul, où j’ai attendu pendant une durée de temps indéterminée (je n’avais pas accès à l’heure), jusqu’à ce qu’un nouveau policier vienne m’informer que je passerais la nuit en prison et que je comparaîtrais le lendemain à 14h. Il m’a demandé si j’avais parlé à mon avocat. Je l’ai informé que je n’avais pas d’avocat attitré à ce moment et que je désirais en contacter un, comme il en avait été convenu avec le policier responsable de l’appel à l’avocat qui s’occupe normalement de mon dossier (mais qui n’a pas pu cette fois prendre ma cause), maître P. Le policier m’a alors répondu que la situation n’était pas très claire, et qu’il allait tenter de contacter mon avocat afin de s’assurer que je puisse être représenté. Il est reparti, et n’est revenu qu’environ une heure plus tard pour m’informer que je serais libéré sous condition de promesse de comparaître à la Cour criminelle et pénale, dans la municipalité de Montréal, le 30 juin 2014. (Sur le document de ma promesse de comparaître, il est écrit que je comprends qu’il est allégué que j’ai commis un bris de probation.) Ils ont alors pris mes empreintes digitales, puis mes effets personnels m’ont été remis. J’ai demandé où j’étais à Montréal, pour savoir comment retourner chez moi. C’est à ce moment qu’on m’a informé que j’étais au poste de police de Saint-Léonard; avant cela, je n’étais pas au courant de cette information. Il était environ minuit au moment où l’on m’a libéré. Un billet d’autobus m’a été fourni et je suis parti.
On t’encule sale merde, on a ton adresse, fais gaffe