Par Reynald Du Berger,
La récente « semaine de la persévérance scolaire » me rappelle cette anecdote vécue il y a quelques années au Saguenay. On me demande un jour une conférence sur les tremblements de terre – comme j’en fais souvent- dans une école secondaire de Jonquière. C’était dans le cadre d’une demi-journée organisée afin de donner le goût aux jeunes de faire de la science et leur faire connaitre quelques professions scientifiques, dont celle d’ingénieur et de séismologue. Nous étions une demi-douzaine de professionnels à parler de sujets divers de la mycologie à l’ornithologie en passant par la physiothérapie.
Les élèves avaient choisi leur atelier à l’avance et se présentaient au local correspondant à leur choix. Je suis ravi d’apprendre que mon atelier est le plus populaire. Le groupe est formé d’élèves (au primaire il faut dire des « amis ») de secondaire I, II et III. La professeure est une ravissante jeune diplomée en enseignement des mathématiques de l’UQAC que j’ai déjà eue comme élève en géologie. Elle contrôle les présences à l’entrée et m’explique que les élèves auront à faire un travail suite à mon exposé, « pour les motiver » me précise-t-elle. En réalité il s’agissait d’un moyen de pression afin de s’assurer de leur présence et les forcer à un peu d’attention. Elle me dit que j’ai jusqu’à 11h30. Au début, je leur explique qui je suis, ce que je fais dans la vie et leur écris au tableau mon email au cas où certains auraient des questions dans le cadre du travail qu’ils auront à faire. Je passe mes deux carousels de diapos (c’était avant power point) en accélérant à la fin afin de finir dans le délai qui m’est imparti. Je termine à 11h25 et leur demande s’il y a des questions. On aurait entendu une mouche voler. La prof insiste: « pas de questions? »… Je demande à la prof « mais pourquoi ils restent assis comme ça »? « Ils attendent la cloche » me répond-elle. On attend … puis soudain on entend un carillon et c’est la débandade. Quand le gros du troupeau est passé, une élève s’avance vers moi et me demande timidement » ça prend-tu des longues études pour faire ce que vous faites? » Je lui demande alors pourquoi elle n’a pas posé sa question avant et elle me répond « Je voulais pas paraitre trop nerd »
Le dimanche soir suivant vers 21h, je reçois cet email d’un certain Kevin qui m’écrit « Salut vous êtes venu donner une conférence sur les tremblements de terre à mon école jeudi matin et j’aimerais savoir quel est le plus gros tremblements de terre de toute l’histoire. Si possible répondez moi vite
voici mon adresse email … »
Je lui réponds que c’est probablement celui du Chili de 1960 avec une magnitude de 9,5. Je lui donne deux liens sur le net à partir desquels il pourra amorcer sa recherche.
À 22h il rapplique: « oui mais j’aimerais avoir un peu plus d’information, un court texte si vous en avez un, merci encore »
Kevin voulait « un court texte ». Il avait probablement passé le weekend au sous-sol avec sa copine ou devant sa console video et se trouvait pris de court en ce dimanche soir devant le travail, le « court texte » qu’il devait produire pour le lendemain matin à 8h. Je me suis bien gardé de lui faire la leçon, c’était l’affaire de ses profs et de ses parents.
Mon père aurait dit « Il a le cordon du coeur qui traîne dans la marde ».Autrement dit, il est paresseux, il veut du tout cuit. Kevin n’a pas le goût de l’effort. C’est sa faute, mais aussi celle de la pédagogie, des méthodes, de la « réforme », de l’école, des profs et des parents. Dans cette combinaison complexe d’influences, on a presque complètement évacué la notion de l’effort nécessaire pour atteindre le but. Combien de jeunes se proposent spontanément pour faire la vaisselle, tondre le gazon, sans demander d’être payé? On dit aussi qu’ « ils ont un poil dans la main ».
La prof m’avait parlé de motivation. Comment alors motive-t-on un jeune pour lui faire apprendre la règle des sinus ou l’accord du participe passé? Pas besoin d’effort pour absorber U2 ou Céline Dion, ça rentre tout seul, car ça rentre fort à coups de décibels. Mais Beethoven ou Mozart ça demande d’abord un effort intellectuel avant de pouvoir être dégusté sans effort. Il n’y a pas de formule pédagogique magique pour ça, pas plus que pour les sinus et le participe passé. Il faut se creuser les méninges, se forcer le ciboulot. C’est la seule recette qui tienne. C’est celle qui a fait défaut et qui est la cause principale de l’échec lamentable de la « réforme ». Nos jeunes ont besoin de maîtres, pas de motivateurs! Entretemps, ils continuent d’attendre la cloche avec le cordon du coeur qui traîne dans la marde.
Excellente anecdote qui en dit long sur la situation catastrophique dans nos écoles québécoises. On dirait que les fonctionnaires du MELS ont oublié ce qu’était la « discipline » !
Guillaume, ce n’est pas tant de la discipline qui manque mais bel et bien la notion d’effort ! Ma fille est en plein dans ce groupe d’âge et ils font tous du copier-coller, misère !
Et M. Du Berger, vous devriez savoir que U2 et Céline Dion ne sont pas très « in » dans les cours d’école, ni même à la maison. On parle de plus de superficialité que ça avec (attendez que j’aille voir les mp3 de ma fille…) Justin Bieber, Rihanna, Lady Gag, etc… Mais bon, je vous taquine 😉
Vous avez exposer un grave problème, le manque total d’intérêt pour les connaissances et le savoir de nos jeunes d’aujourd’hui. C’est ahurissant de voir l’éducation s’éffronder au Québec. Merci Madame Marois pour LA REFORME!
Et maintenant, ai-je bien entendu… la loi 101 veut s’attaquer aux écoles anglophones privés qui ne reçoivent aucunes subventions du gouvernement et les obliger à suivre la pédagogie catastrophique de l’enseignement québecois français. Pleeaase!
Nos écoles forment des étudiants qui n’ont pas assez de vocabulaire pour s’exprimer en français et la plupart ne peuvent surtout pas l’écrire…et on veut forcer des étudiants à s’inscrire la-dedans. Ou va le Québec avec ses exigances? On perd surement la tête avec des abus semblables envers les droits de la personne, en guise de protéger le français.
Chassons tout ces gens qui ont des revenus très élevés (car c’est $10,000-$20,000 par année pour ces écoles) simplement parce qu’ils veulent un avenir dans la vie pour leurs enfants…pourquoi pas!
Tant que nous sommes heureux avec ce genre de cafouillage français contre anglais, who cares! Lorsque ces gens partiront et payeront leurs impôts en Ontario, nous continuerons à pleurnichez contre les maudits anglais qui sont partis! L’Ontario, elle, se rejouira d’entendre cette nouvelle. Ontario « Yours to discover » and « where you have rights ».
J’espère que j’ai mal entendu…car c’est déprimant que le Québec veuille jouer cette note discordante lorsqu’on est en train de couler avec notre manque à gagner. En plus ajoutons au dilemne qu’il nous faut 700,000 immigrants dans les années qui viennent. Helllooo!
Dehors les anglais bi-culturels et immigrants qui sont éduqués, bien nantis, en avant les avec les gens qui ne comprennent pas la culture içi….on se tire dans le pied…j’ai du mal a comprendre la logique. Qui en sait plus long? Dites moi que ce n’est pas vrai!
@Nancy L.Tremblay,
Je suis désolé, ma culture en musique populaire ne s’est jamais rendue jusqu’à U2 ou à Céline Dion dont je ne connais que les noms et non les oeuvres. Quand je faisais mes devoirs dans les années ’50 et ’60 j’écoutais sur mon petit transistor, les succès de Pat Boone, Paul Anka, The Platters et Connie Francis, que j’écoute encore aujourd’hui avec beaucoup de nostalgie. Pour me procurer ce transistor, il m’a fallu livrer l’Action catholique puis le Soleil pendant plus de 25 semaines à une cinquantaine de clients. Le poil n’avait pas le temps de me pousser dans la main. Beau temps mauvais temps, toujours à pied et mon papa ne m’accompagnait jamais en voiture comme les jeunes camelots fragiles d’aujourd’hui.
Le problème est que c’est même jeunes ont toujours tout eu dans la vie. Probablement parce que leurs parents occupés à leur carrière et à payer les taxes achetaient leurs absences… On blâme les jeunes, mais le problème vient de l’éducation qu’ils ont reçue!!
Ensuite, on accepte l’échec… L’important c’est de participer, qu’ils disent! Mon c… L’important c’est de gagner et si on perd, on cherche quoi faire pour gagner la prochaine fois. On peut être des excellents perdants et se réjouir sincèrement de la réussite de l’autre, mais la fois suivante il faut avoir comme seul objectif d’être le #1. Les défaites doivent coûter cher (on nuance, ici), pour nous motiver à ne pas répéter l’expérience. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est rendu très difficile de couler maintenant!
Finalement, le mode d’enseignement dans les écoles doit sérieusement être révisé! D’asseoir 30 jeunes sur une chaise toute la journée, ça ne fonctionne plus. Ils ont accès au savoir autre que sur les bancs d’écoles. L’école doit servir à autre chose…
Voici l’avenir! http://www.newtechhigh.org/Website2007/index.html
Excellent texte. Il faut enlever l’état de l’éducation et permettre aux parents et aux étudiants de faire leur propre choix. Le marché de l’emploi va se charger de l’orientation à prendre. Je n’ai jamais compris d’ailleurs pourquoi l’état devait décider ce qui devrait être appris à l’école?
Désolée waried: je suis une maman à la maison et l’éducation est pour moi une priorité. Par contre, quand on fait l’effort à la maison pour que le travail soit bien fait, on se fait dire par l’école (elle-même) que ce n’est pas nécessaire ! MOI, je me sens très seule face à ce gros système…
M. Du Berger: vous m’avez fait sourire avec votre belle petite histoire 🙂 Et en passant, bienvenu chez les Analystes !
@ Nancy
J’avoue que la tendance est maintenant renversé et que le problème a été transféré à notre système d’éducation. Je parlais beaucoup plus des étudiants qui sont en train de finir le secondaire!
Une chose est sûre, il y a un énorme problème.
Avant de blâmer les profs et le système d’éducation, bien des parents devraient questionner leurs propres méthodes et le milieu familial qu’ils offrent à leurs enfants. Sans vouloir défendre le système actuel, je suis quand même tanné d’entendre ce discours qui rejette toute la responsabilité sur les profs. Parents québécois: occupez-vous de vos enfants!
Je blâme l’élève, le parent, le prof, le fonctionnaire du MELS co-auteur des programmes et de la réforme, bref « le système » , syndicalisé, sclérosé dans lequel l’élève est plongé. Trop de profs se contentent de « suivre le manuel » ne font preuve d’aucune originalité. Si tant de gars décrochent c’est que le prof est tout simplement plate, très plate. Une piste de solution: un ordre professionnel d’enseignants, avec un syndic, un système de promotion: celui qui se traine les pieds et suit le manuel n’a pas de promotion, celui qui fait preuve d’initiatives pédagogiques originales et capte l’attention de ses élèves, leur donne le gout de pousser leur démarche d’apprentissage au delà du manuel souvent endoctrinal, et les mène au succès scolaire est promu. La bonne vieille recette de la tape dans le dos et du coup de pied au cul… si ca marche pour l’ingénieur en industrie, ca doit marcher pour l’enseignant.
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