Ce n’est pas la première fois que le chef caquiste François Legault commet une bourde en parlant d’éducation. Il a déjà proposé qu’on consacre des millions afin d’amener les écoliers québécois dans les musées et salles de concert, sans s’assurer qu’ils aient reçu au préalable les connaissances et la formation appropriées. Cette fois, M. Legault propose rien de moins que l’instauration d’un système élitiste dans les université du Québec. Il y aurait donc désormais les universités au rayonnement international et celles condamnées à une simple vocation locale peu glorieuse.
J’ai enseigné dans des grandes écoles d’ingénieurs en France. Le système français en est un élitiste. Dans les trois grandes écoles d’ingénieurs de Nancy où j’enseignais (Géologie, Mines, et Électricité-Mécanique) , quelque 300 élèves se présentaient à chaque année au concours d’entrée, basé presque exclusivement sur les mathématiques et à peine 5 à 10% le réussissaient. Les autres étaient alors condamnés à l’université. La France entretient depuis bien avant Napoléon, un système d’enseignement supérieur à deux vitesses qui n’est pas un modèle à imiter pour le Québec.
La création du Réseau de l’Université du Québec en 1968, juste après celle des cegeps, visait à former des maîtres mais aussi et surtout, à doter les régions de maisons d’enseignement supérieur dignes de ce nom. L’accouchement n’a pas été facile et je le sais, ayant été un des professeurs fondateurs de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Les universités traditionnelles, alors bien établies et grassement financées, ont mal perçu l’avènement de ce nouveau réseau d’universités qui venait bouleverser leurs traditions et leur quiétude, mais surtout leur ravir une part importante de leur clientèle des régions. Aussi a-t-on déclenché presque immédiatement des opérations de planification sectorielles, presque toutes pilotées par des professeurs d’institutions traditionnelles. La bataille ne fut pas facile. On a tenté de limiter à l’enseignement de premier cycle, le rôle des universités du nouveau et gênant réseau. La maîtrise, le doctorat et les activités de recherche qui sous-tendent et nourrissent ces programmes devaient demeurer l’exclusivité des universités traditionnelles. Heureusement que nous n’avons pas lancé la serviette. Mon secteur, les sciences de la Terre, a même été reconnu quelques années plus tard par le gouvernement québécois comme le meilleur et le plus performant parmi les universités québécoises, et cela s’est traduit par des investissements massifs, (programme des Actions structurantes) qui ont permis l’embauche de professeurs-chercheurs réputés , lesquels on par la suite attiré des étudiants à la maîtrise et au doctorat de partout au Québec et aussi de tous les continents. L’UQAC est donc devenue un centre d’excellence en Sciences de la Terre dont la réputation n’a jamais été contestée. D’autres champs d’excellence sont venus par la suite enrichir cette UQAC, on n’a qu’à penser à l’aluminium, la forêt (le seul domaine retenu par M. Legault) , le givre et le verglas atmosphériques.
Je crains cependant que le sommet proposé par le Ministre de l’enseignement supérieur n’aborde pas les problèmes fondamentaux des universités. Les préoccupations des « carrés rouges » qui partagent le même lit que le gouvernement péquiste, risquent d’occulter bien d’autres questions qui doivent pourtant être abordées comme par exemple :
1- L’adéquation des programmes d’enseignement aux besoins d’une société moderne en évolution.
2- Le rôle des universités comme leviers économiques pour la collectivité locale et le Québec.
3- L’identification de champs d’excellence dans certaines institutions devant se traduire par des investissements massifs.
4- Le financement provenant de d’autres sources non gouvernementales (collectivité locale, entreprises, fondations, mécénat, associations d’anciens etc… ).
5- La participation de l’entreprise privée aux activités de recherche.
6- La création de bourses spéciales aux étudiants engagés dans des programmes de formation névralgiques.
7- L’abolition du cheminement général au CEGEP -transfert de cette formation à l’université-
On devra aussi considérer un système de frais de scolarité modulé, qui tienne compte des coûts de la formation très variables d’une discipline à l’autre mais aussi qui devrait décourager les « étudiants permanents », ceux qui traînent éternellement leurs godasses dans les halls des facultés dites de sciences molles et dans les cegeps, aux frais des contribuables. C’est tout un programme, pour un gouvernement qui n’a pas plus le courage que la volonté politique de l’entreprendre.