À l’approche de Noël, je sors des « boules à mites » un billet que j’ai écrit en 2011 et que je crois toujours d’actualité. Il s’agit de la délicate et parfois douloureuse relation du Québécois avec ses racines judéo-chrétiennes.
Je rentre de Nouvelle Zélande et découvre deux événements qui font la manchette québécoise et qui reflètent bien les préoccupations d’un grand peuple: le nouveau Colisée, et les démêlés judiciaires du Maire Jean Tremblay avec les laïcistes (je propose humblement ce néologisme à Larousse et Robert, en attendant l’approbation de l’Académie québécoise). Sur ces deux sujets, j’ai entendu plusieurs analyses et je suis porté à préférer celles de mon co-blogueur Éric Duhaime.
J’ai déjà exprimé mon avis sur le premier sujet. Par contre, le jugement asséné au Maire Tremblay me renverse. On lui interdit d’exprimer publiquement sa foi au moyen d’une courte prière récitée avant l’ouverture des séances de son conseil municipal, et on le somme de retirer le crucifix qui trône derrière son fauteuil de maire, comme celui qui est pourtant encore accroché à l’Assemblée nationale. Et le comble: la Cour accorde un « dédommagement » de 30 000$ au plaignant, victime de ces prières et objets provocateurs. Je comprends mal qu’on puisse être offensé, heurté, choqué par la prière et le crucifix. À moins que l’on considère que ce soient là les expressions douloureuses d’un sombre passé religieux qui hante encore certains Québécois, ou qu’on y voie un quelconque plébiscite moderne de l’inquisition ou des croisades.
Ceux qui sont gênés par ces symboles religieux devraient en exposer clairement les raisons. J’ai déjà dit sur ce blogue en quoi le foulard islamique, qui n’est pourtant pas un symbole religieux, me gênait. J’ai déjà vu des cégépiens porter en période de carnaval, le brassard avec la Svastika et je les ai rabroués. Ils avaient vu ça dans un film… Quand on est heurté par des paroles, des gestes ou des symboles, il faut le dire, mais ont doit aussi dire pourquoi, expliquer.
On peut considérer ces symboles de la foi catholique comme appartenant désormais à un passé religieux révolu, poussiéreux mais douloureux qu’on aimerait bien oublier. On peut aussi les considérer comme faisant partie d’un passé culturel collectif, un patrimoine nous appartenant et qu’on ne doit pas avoir honte d’exhiber. Je vais périodiquement dans les écoles et constate l’absence totale de culture religieuse chez nos jeunes Québécois. Dans mes présentations sur les séismes au Québec, je leur parle des Relations des Jésuites, et ils s’imaginent des choses…« pas tellement catholiques »… tout en ignorant évidemment ce qu’est un Jésuite. – et c’est pas le nouveau cours d’ÉCR qui va réparer ça- . Il y a quelques années, une prof un peu plus délurée que les autres, a eu l’idée de faire visiter la cathédrale de Chicoutimi à ses élèves. Elle a été surprise quand ses élèves se sont esclaffés devant ce que le guide leur présentait comme étant un tabernacle. Pour plusieurs d’entre eux, c’était à une voyelle près, le juron préféré de leur père.
Si l’on retire les crucifix des endroits publics et si l’on se veut cohérent, il faudra aussi démolir tous ces calvaires de chemins (avec les instruments de la Passion qui vont avec), abattre certains clochers que la même Cour qui a jugé le Maire Tremblay, aura jugés offensants parce que dépassant en hauteur, donc en expression de foi religieuse, les innombrables minarets voisins, plus que raisonnablement mais généreusement accommodés par la coûteuse et inutile Commission d’enquête pilotée par mon collègue Gérard Bouchard de l’UQAC et son collègue Taylor. On devra débaptiser puis rebaptiser des rues, des avenues, des boulevards, des garderies un peu trop conservatrices, des écoles, des hôpitaux, des villages,- amis autochtones, à vos plumes!, celles qui écrivent, car il vous faudra nous trouver rapidement des milliers de noms politiquement corrects donc acceptables puisqu’amérindiens, pour remplacer tous ces saints néanmoins canonisés par l’Église, mais à jamais démonisés toponymiquement , par les laïcistes, sans autre procès que celui qui a condamné Jean Tremblay et qui fait maintenant jurisprudence, – sans compter qu’on devra interdire les représentations publiques dans les églises et salles de concert des requiems, de Verdi, Mozart, Fauré, Berlioz, Brahms, la magnifique Messe en Si mineur de Bach, celle Solemnis de Beethoven, les Te Deum de Charpentier et de Berlioz et toutes les messes de ce génie qu’est Joseph Haydn. Ce sont de grandes oeuvres musicales certes, mais aussi des chants religieux, donc des prières chrétiennes, interdites d’expression publique, selon la jurisprudence désormais consacrée dans le jugement Tremblay. On pourra toutefois écouter discrètement ces chefs-d’oeuvres dans l’intimité de son foyer, sans risque de provoquer, comme l’exigent les laïcistes pour la prière du maire Tremblay. Nos clochers de villages se seront tus par respect et pour la quiétude des habitants qui les entourent, tandis que les minarets cracheront toujours 5 fois par jour à compter de 4h du matin, leurs agressifs et tonitruants Allahou akbar.
Et tous ces tableaux qu’il faudra décrocher des murs de nos musées pour les regrouper dans une salle unique réservée désormais à la seule visite de ceux qui ne sont pas choqués par l’expression publique de la foi chrétienne. Imaginez le panneau à l’entrée « le contenu de cette salle peut ne pas convenir à certains athées ou musulmans, nous préférons vous en avertir ».
Dans un siècle peut-être, on en sera enfin revenu, et on replacera dans leur milieu et contexte appropriés tous ces objets jugés présentement offensants par ces purs, ces laïcistes, ces sépulcres blanchis, ces vampires du 21ième siècle que la simple petite croix bénite d’un Jean Tremblay suffit à atterrer, tels des Dracula auxquels on jette de l’eau bénite. Ces objets seront alors jugés non seulement inoffensifs par les générations de jeunes sages qui nous auront succédé, mais ils les considéreront alors comme des messages anciens de paix, de sérénité, de partage et de compassion. Il y aura alors eu la renaissance, le classicisme, le romantisme, l’impressionnisme… et le laïcisme, qu’on appellera aussi la vraie, la très grande noirceur. Et ça sera du passé. Alors là seulement, ça sera le siècle de la lumière. Et lux perpetua luceat eis. C’est la grâce que je nous souhaite!
p.s. c’est dans une forêt de cèdres au Liban que j’ai pris la photo illustrant ce billet. Un artiste croyant a vu dans ce modeste arbre quelque chose de plus grand que ce que voient les laïcistes dans le petit crucifix du maire Tremblay. On n’a pas abattu l’arbre. Pas encore…
superbe cet arbre, nous fait reflechir,
Peut-on être une nation et réduire son histoire à une « grande noirceur » ? Sur ce , cette réflexion de Renan pour éclairer la noirceur :
Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. L’homme, ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans la passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : «Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes» est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie.
Jean-Pierre, vous exprimez la quintessence d’une nation. Éric Zemmour n’aurait pas dit mieux . Joyeux Noël !
Vous avez vu juste, Reynald, les débats de cet immense intellectuel font partie de ma nourriture intellectuelle .Et paradoxalement c’est un Juif qui ce bât et débat le plus pour la restauration de l’Occident chrétien ; on en espérerait autant de son jeune ami québécois ; Joyeux Noël !
Évidemment, pour éviter toute confusion, l’ami québécois dont je parlais n’était pas vous
Quel beau texte qui nous rappelle nos valeurs chrétiennes de plus en plus misent de côté. Nous les ainés avons négligé de transmettre ces valeurs à nos enfants, pendant que d’autres, dans les écoles entre autre, les ont balayées sous le tapis. Un jour peut être les prochaines générations sauront le remettre à jour.