Je viens de renouveler, sans grande conviction et donc du bout des touches de mon clavier, ma cotisation pour 2019-20 à l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). La tutelle qui nous affligeait, vient d’être levée. Depuis 2000, je paie le tarif d’ingénieur à la retraite qui est maintenant 222$. Depuis l’an dernier, on a retiré aux ingénieurs à la retraite, le droit d’effectuer des actes professionnels, même bénévolement. Pourtant l’Ordre continue de me facturer une quinzaine de dollars pour une assurance responsabilité professionnelle collective. On me charge aussi une contribution à l’Office des professions.
Madame Kathy Baig, ing., FIC, MBA, actuellement président de l’Ordre, amorce une tournée régionale pour sonder le pouls des membres suite à la « réforme » découlant de la tutelle. Je serai présent à la rencontre de Québec, mais comme le temps qui me sera imparti pour mes commentaires et questions sera très limité, j’ai décidé d’en faire un billet, et comme la fonction essentielle d’un ordre professionnel est la protection du public, mes confrères ne devraient pas se formaliser de cette transparence étendue à mes concitoyens.
Devenir ingénieur au Québec, ce n’est pas facile. Allez-voir le parking de l’Université du Québec à Chicoutimi le vendredi matin. La majorité des voitures sont celles des employés et… d’étudiants en génie. Les autres étudiants (en sciences dites molles) cuvent leurs grosses bières du party de la veille. La plupart des cours de génie comportent des TD (travaux dirigés) et des laboratoires. La semaine est longue. Ce sont des maths , des grosses maths impitoyables, avec transformées de Fourier, et même de Laplace, de la mécanique des fluides, de la thermodynamique, de la résistance des matériaux…rien en commun avec les cours « impacts des changements climatiques sur les bla bla bla… » des biologistes et des sciences sociales. Le titre d’ingénieur au Québec est chèrement gagné. Mais il ne peut être porté que si le titulaire est membre de l’OIQ.
Je suis fier d’appartenir à cette profession et je continue d’en faire la promotion. J’ai probablement fait plus d’une centaine d’interventions dans les écoles et cegeps pour porter la bonne parole. Un président régional de l’OIQ m’a avoué être devenu ingénieur géologue suite à l’une de mes interventions au Saguenay. J’ai été responsable de la promotion de la profession pendant une douzaine d’années au Saguenay-Lac-Saint-Jean et 4 ans dans la région de Québec-Chaudière-Appalaches. J’ai aussi été un témoin impuissant de la détérioration des relations entre les sections régionales et le Bureau de l’Ordre à Montréal, laquelle a abouti a la transformation des sections régionales en comités régionaux entièrement contrôlés par Montréal. J’ai quand même persisté et assumé ma tâche de responsable de la promotion de la profession, au sein du nouveau comité de Québec. Quand j’ai offert ma démission il y a 3 ans, j’effectuais à moi seul plus de la moitié des interventions dans les écoles, pas de Québec, mais du Québec. J’ai démissionné parce que je sentais de plus en plus de centralisation et de contrôle des activités des sections régionales par Montréal, et aussi parce que la mission de promotion de notre profession dans les écoles, était passée au second plan, tout préoccupés que nous étions à redorer notre blason terni par l’enquête sur la corruption et la collusion (Commission Charbonneau).
Il y avait aussi au niveau provincial, un comité « promotion de la profession et femmes en génie », lequel a été aboli suite à une recommandation du comité (présidé par le Dr Lamontagne, anciennement du Collège des médecins) dont les travaux ont abouti à la mise en tutelle de l’OIQ. Je n’ai assisté qu’à une seule réunion de ce comité, la dernière avant son abolition, à laquelle assistaient aussi le Président et le Directeur de l’Ordre. J’avais recommandé alors des mesures afin de revaloriser le rôle des ingénieurs à la retraite, en les incitant à s’impliquer dans nos activités de promotion de la profession dans les écoles. Je voulais aussi, comme on le faisait au Saguenay, permettre aux sections régionales d’intervenir directement dans les facultés de génie de leur région. Au Saguenay, on offrait un café brioches à la rentrée aux nouveau étudiants en génie où je leur adressais la parole au nom de l’Ordre. On organisait des concours d’ingéniosité, avec prix et bourses, des 5 à 7 étudiants-employeurs où les étudiants rencontraient des ingénieurs employeurs et sondaient ces derniers pour des stages. On était aussi présents dans les expo-science à titre de juges, et à la remise des prix. Tout cela a été relégué aux oubliettes. Les étudiants en génie de l’Université Laval ont un super concours d’ingéniosité qui dure 2 jours et qui regroupe les écoles secondaires et cegeps, « La Coupe de Science » . J’étais juge et faisais un discours au nom de l’OIQ à chaque remise de prix… ça coûtait 1 500$ à l’OIQ, qui a aboli sa contribution, sans m’en parler.
Que pense le public des ingénieurs québécois? Il suffit de rester bloqué plus de 2 minutes dans un bouchon sous un viaduc. Relevez la tête.. regardez cette galette de béton follement éprise de liberté!… Elle rêve de tomber sur le capot de votre voiture… Elle ne tient en place que grâce à un pansement temporaire fait d’un grillage métallique aussi rouillé que les barres d’armature que vous voyez au travers du béton pourri, comme les os d’une fracture ouverte et atteints d’ostéoporose. Est-ce cela le génie québécois? Sont-ce ces « fleurons » qu’il faut sauver à n’importe quel prix et à chaque scandale mis au jour par des journalistes plus futés que les autres? Quel pourcentage des dossiers qui encombrent le bureau du Syndic de l’Ordre concernent la collusion, la corruption?
J’ai donc quitté ce « comité » régional avec amertume et regret. Voici les questions que je poserai à la rencontre de Québec.
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Quel est le pourcentage d’étudiants en génie ayant obtenu leur diplôme, qui font ensuite leur demande d’admission à l’Ordre?
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Quel est le pourcentage des ingénieurs à la retraite qui ont payé leur cotisation pour 2018-19 et 2019-20 comparé aux années précédentes?
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Et peut-être une autre question que vous pourriez me suggérer, car après tout, c’est de votre protection qu’il s’agit.
Un ami ingénieur à la retraite lui aussi, et à qui je demandais récemment s’il allait payer sa cotisation 2019-20 m’a répondu «pense à la honte que mes deux fils – qui sont aussi ingénieurs- éprouveraient s’ils lisaient dans la revue Plan (la revue de l’OIQ), que leur père a été radié de l’Ordre des ingénieurs du Québec!
Il y a quatre ans, l’Ordre des ingénieurs du Québec a recommandé à Ingénieurs Canada qu’on me donne le titre de Fellow… « en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles à la profession d’ingénieur au Canada ». En suis-je encore digne? L’OIQ peut toujours demander à Ingénieurs Canada de me retirer mon titre.
Reynald Du Berger, ing. FIC
Merci de me faire mieux connaître la réalité de votre métier et de l’ordre des ingénieurs.
Je suis membre de l’Ordre des géologues mais je n’ai jamais voulu être membre de l’OIQ., qui ont eu pas mal de difficultés à reconnaître la profession d’ingénieur géologue. Je préfère passer pour géologue qu’ingénieur géologue…
R. Du Berger : “.. Que pense le public des ingénieurs québécois? ..”.
Ou : les québécois ont-ils confiance en leurs ingénieurs ?
Ici les concitoyens font un caca nerveux collectif, dés qu’on entend parler d’un oléoduc – soit un ouvrage de génie banal et répété à milliers de copies autour du globe.
En Mer du Nord (Norvège et autres pays), on fait des forages à partir d’un “drillship” flottant à 1 km au dessus du fond marin, pour aller chercher une poche de gaz ou de pétrole à 3 km sous le plancher.
À d’autres places le navire de forage pourrait naviguer à 3.5 km au dessus du plancher marin. Il y a des gisements HP-HT (jusqu’à 35,000 psi – 450 °F.)
Des exploits de génie du niveau d’exploration spatiale.
Là bas on laisse les ingénieurs faire leur travail, ici le public a conclu que nos ingénieurs se casseraient les dents avec un misérable oléoduc.