LES ÉPONGES

Publié: 8 mai 2014 dans Uncategorized

duckUn enseignant de sciences du secondaire, aux élèves duquel je venais de parler de ma carrière d’ingénieur, me faisait remarquer jusqu’à quel point les élèves étaient des éponges, prêtes à absorber les paroles et messages qui leur sont adressés par des personnes en autorité. Ce jour-là, j’étais en autorité parce que c’est lui qui avait décidé que je parlerais de la profession d’ingénieur à ses élèves. J’avais un auditoire captif car ils n’avaient pas eu le choix d’entendre (ou d’écouter) mon baratin. Je distribue alors aux élèves un court questionnaire, afin d’évaluer mon impact. Par exemple, lors de ma dernière intervention, 7 élèves ont infléchi leur choix de carrière.

J’ai enseigné à plusieurs centaines d’élèves ingénieurs. Ils étaient aussi une clientèle captive, car ils n’avaient pas le choix de réussir mes cours afin d’obtenir le diplôme qui leur permettrait de réaliser enfin leur rêve de devenir ingénieur. Ils devaient absorber le contenu de mon enseignement, qu’ils aiment ou non la matière ou le professeur.

Plus récemment, je parlais des tremblements de terre à des enfants de 5 et 6 ans dans une classe de maternelle. Un défi de taille pour celui qui enseignait jadis à des élèves ingénieurs et géologues un cours de 45 heures sur l’intérieur de la Terre. Pas question d’évoquer des plaques et encore moins tectoniques. Ils étaient eux aussi  un auditoire captif, comme les deux précédents… mais quel auditoire! Pas seulement captifs, ils étaient captivés. J’appréhendais pourtant ce moment, à tort. Ces enfants étaient les éponges vierges idéales , aux millions de trous, tous ouverts , sans préjugés, avides de connaître même s’ils mêlaient toutes sortes de choses, issues de leur courte expérience, ce qui donnait des questions comme « Monsieur, un dinosaure qui tombe dans un volcan, ça fait quoi? » . J’avais devant moi des éponges absorbantes , pas encore contaminées. Un jardin dont les semis commençaient à germer. Jardin qui ne demandait qu’à produire, en autant qu’on lui fournisse eau et engrais . Le riche terreau fourni par les parents et l’enseignante était déjà là et  de bonne augure.

Mais peu à peu, les trous de ces jeunes éponges commencent à se combler. Ils avancent en âge et sont soumis à de plus en plus de sollicitations, messages et stimulis, pas tous bons. La technologie moderne leur propose des X-Box, des I-Pods, I-Pads, I-Phones auxquels ils succombent et pour lesquels papa dit par dépit « I-Paid ». Peu à peu, ils s’isolent, s’enferment dans une bulle qu’ils construisent eux-même,  souvent sans en être totalement conscients. Déjà au secondaire, il faut faire des pieds et des mains pour capter leur attention plus de 20 minutes sans qu’ils s’endorment. J’admire les enseignants qui réussissent cette prouesse, tout en les amenant à réussir leur examens officiels nationaux. Des allumés qu’ils étaient à 5 ou 6 ans, ils deviennent  peu à peu des blasés. Ils demeurent néanmoins des éponges, certes moins perméables, mais il faut en repérer les quelques  trous qui restent et tenter d’y pénétrer, lentement, sans brusquerie, à partir de ce qu’ils sont ou de ce qu’ils croient être… pas facile! C’est l’art de l’enseignement.

J’ai terminé mon « show » devant ces petits de 5 et 6 ans par un exercice. On a simulé un tremblement de terre. Vous auriez dû les voir se bousculer pour se précipiter sous la table ou le pupitre le plus proche. « se baisser , s’abriter et s’agripper », comme illustrait le poster que je leur avais apporté. Je n’oserai jamais proposer cet exercice à des cégépiens.

commentaires
  1. Mon expérience avec l’apprentissage du savoir est intéressante. Quand j’étais adolescent…, je savais tout. Jeune homme je m’étais rendu compte que je devais étudier davantage car mon savoir était limité. Encore 5 ans et horreur…, j’étais un ignorant ! Je suis devenu un rat de bibliothèque et j’étudie depuis ce temps là ! Les périodes les plus difficiles ont été celle où je devais désapprendre…, désapprendre pour apprendre les réalités vérifiable. Par exemple, que se passe t’il quand un dinosaure tombe dans un volcan…, 😉

  2. Jos Wallach dit :

    Ton français et ton attitude envers la science, les étudiants et la profession d’enseigner les étudiant(e)s sont impeccable!

  3. Gabriel dit :

    Bonjout: That was a good one. Very sad reality! take care my friend. Gabe

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