
Comme la plupart des mélomanes, je range mes vinyles et mes CD – j’en ai plus de 3 000 – par ordre alphabétique du compositeur.
En fouillant hier pour trouver un œuvre de Pierre Boulez , que j’ai eu déjà le bonheur de voir diriger quelques unes de ses propres œuvres au Carnegie Hall de New York, je tombai sur le Prince Igor d’Alexander Borodin qui faisait bon ménage tout à côté de Boulez. Étonnant… les médias nous disent pourtant que ces temps-ci , ça va pas bien entre les Américains et le Russes et c’est encore pire avec les Français naturalisés Américains.
Un peu plus loin, je constatai le parfait voisinage entre Alexander Glazounov, le compositeur du thème de la série télé culte « Les Belles Histoires de Pays d’en Haut » ou « la musique à Séraphin » comme on l’appelait quand on écoutait ce radio-roman dans les années 1950, et le Bavarois Gluck qui n’a toujours pas retrouvé son Eurydice.
Puis je cherchai mon formidable Boris Godounov avec sa voix de basse riche et puissante de Tsar courageux et dominant, mais fourbe en même temps puisqu’il a fait assassiner le jeune Dimitri afin de pouvoir régner à sa place. « J’ai atteint ma plus grande puissance » de la scène du couronnement, ça vous rappelle quelqu’un ? J’eus la surprise de voir que son auteur Modeste Moussorgski, reposait toujours paisiblement à côté de mes chers Mozart, pourtant beaucoup plus nombreux que lui dans ma discothèque.
Je poursuivis jusqu’à Sergeï Prokofiev et le découvrir aussi calme que son Pierre avec son Loup, et juste à côté de mes grands opéras de Puccini, me rassura encore davantage.
Puis les fougueux concertos pour piano de Sergei Rachmaninoff font contraste avec le génie impressionniste d’un Ravel jamais tombé dans l’oubli grâce à son kitch mais populaire Boléro.
Ah ! on arrive enfin à deux caractères flamboyants, Strauss et Stravinsky qui se côtoient sans pourtant faire d’étincelles. Strauss Richard bien sûr le seul grand, le Chevalier à la Rose et non pas le Johann Strauss des salons Viennois qui réjouit encore les dames qui dégustent des petits gâteaux secs entre deux valses. Le génial Oiseau de Feu de Stravinsky s’envole dans le Rouge du Couchant – Im Abendrot – le plus beau des quatre derniers lieders du grand maître Richard. Chanté par Jessy Norman que j’ai entendue ici à Québec, deux ans avant qu’elle nous quitte à jamais et que François Mitterand avait auparavant drapée du tricolore sur la place de la Concorde pour entonner La Marseillaise le soir du bicentenaire de la Révolution.
Vers la fin de la collection, on retrouve un Tchaikovski triomphant, fier de faire manger sa culotte au prétentieux Napoléon dans sa magistrale Ouverture de 1812 à coups de carillons et de canons. Son voisin, l’Allemand Georg Philipp Telemann, un hétérosexuel notoire, s’en fout d’ailleurs complètement.
Je revois encore ce weekend de printemps à New York, l’épicentre de la Culture avec un grand C. Le samedi après-midi j’avais les larmes aux yeux devant la magistrale interprétation du Wotan de Placido Domingo. Après un adieu touchant à sa Walkirie agonisante, il monte sur l’immense rocher qu’il frappe de sa lance à trois reprises , lequel s’enflamme dans un brasier qui finit par embraser toute l’immense scène du Metropolitan Opera. « Que celui qui redoute la pointe de ma lance ne franchisse jamais ces flammes ! » On croirait entendre Vladimir Poutine.
Le lendemain, dimanche après-midi, j’assistais au Carnegie Hall à un séminaire donné par Pierre Boulez sur les sons et la musique. La salle était remplie de jeunes et ça contrastait avec l’habituel public vieillissant de nos salles de concert. Le soir même, j’eus encore le plaisir de voir le chef et violoncelliste Mstislav Rostropovitch diriger le New York Philharmonic – j’ai une amie qui a eu le bonheur et le privilège de le recevoir à déjeuner chez-elle-. Le London Times disait de lui à cette époque “The world’s greatest living musician”.
En retournant encore davantage en arrière, je revois Marcel Parent, mon professeur de 9ième année de 1958, un militaire de réserve mais aussi un homme cultivé. En 2022 les profs incultes non militaires mais militants gauchistes et wokistes, libèrent leurs élèves les vendredis après-midi, afin qu’ils aillent marcher pour sauver un climat qu’ils ne sont même pas capables de définir. M. Parent lui, apportait son tourne-disques en classe et nous faisait entendre l’ouverture du Don Giovanni de Mozart. Il nous disait pourquoi dès la toute première mesure, Mozart faisait encore traîner les archets lugubres des violoncelles et des contrebasses sur leurs cordes, bien longtemps après que les autres instruments se soient tus… Mozart veut ainsi nous faire sentir que malgré le comique catalogue des conquêtes de Don Giovanni chanté par son fourbe et fidèle serviteur Leporello dans le premier acte, tout ça va très mal finir pour son maître. L’Opéra de Québec présentera le Don Giovanni de Mozart en mai prochain à Québec et j’ai déjà acheté quatre bonnes places d’orchestre.
Chers lecteurs, si vous avez des enfants ou des petits enfants, je vous suggère d’éteindre votre télé qui vous inonde d’images malsaines et tristes de l’Ukraine. Faites comme mon père qui nous réunissait jadis à ses pieds, le soir après souper. Faites-leur écouter une œuvre de ces grands compositeurs en leur montrant « pourquoi c’est beau ». En général l’album comporte un texte qui explique l’œuvre et aussi « pourquoi c’est beau ». Les médias leur montrent toujours ce que l’homme fait de plus laid, prenez donc un peu de temps pour leur montrer ce que l’homme a fait et fait encore de plus beau.
Les grands compositeurs dont j’ai inséré des extraits des compositions dans ce billet, ont tous en commun d’avoir mis le meilleur de leur génie dans leurs œuvres, mais aussi beaucoup de l’âme de leur pays. Un Requiem allemand comme celui de Johannes Brahms est lourd et lugubre, tandis que celui d’un français comme Jean Gilles ne l’est jamais. Dans la Grande Porte de Kiev de ses Tableaux à une Exposition, Modeste Moussorgski a mis toute l’âme de la Russie. Kiev est la capitale administrative d’Ukraine, mais elle est avant tout l’âme de la Russie… de toutes les Russies.
De grands chefs d’orchestres et musiciens russes ont été priés récemment de ranger leur baguette et leurs partitions dans leur valise et quitter le pays qui les avait invités. Leur seul péché était d’appartenir à une nation que l’occident considère pour l’instant belliqueuse et donc infréquentable. Nous croyons ainsi asséner une bonne sanction aux Russes, mais en réalité, c’est à nous aussi que nous l’appliquons. L’art est apolitique et Daniel Barenboim a compris cela depuis le temps qu’il intègre des musiciens palestiniens et juifs dans son orchestre.
La cancel culture n’est pas un phénomène nouveau, puisqu’au cours de la Seconde guerre mondiale, et suite à l’attaque de Pearl Harbour, les États-Unis ont interdit toute représentation de Madame Butterfly de Puccini. Un officier de marine américain séduit une geisha de 16 ans, lui fait un enfant, l’abandonne pour rentrer chez-lui, puis revient quelques années plus tard au Japon pour réclamer l’enfant. Pas très glorieux pour l’image américaine !
La haine de la Russie et des Russes se porte à merveille dans le monde occidental, grâce à nos médias qui continuent de nous alimenter en images « insoutenables ». On cherchera en vain en quoi des chats, ou des musiciens, ou des restaurateurs, ou des sportifs, ou des écrivains, ou des compositeurs – en particulier morts depuis plus d’un siècle- sont responsables de la politique menée par Vladimir Poutine. Des exégètes de gauche chercheront aussi en vain dans Dostoïesvki, une cause le reliant directement au sort des Ukrainiens de 2022. Il y a le mot « crime » dans son célèbre roman, mais il y a aussi le mot « châtiment ». Cette chasse aux sorcières est aussi ridicule qu’intellectuellement et moralement scandaleuse. Mais on sait tous que les Russes ont ça dans le sang, toujours le couteau entre les dents, même si le mot paix est présent dans leurs œuvres, cela ne suffit pas pour éteindre les ardeurs haineuses de nos censeurs et déboulonneurs de statues.
Il existe pourtant des orchestres philharmoniques (qui aiment l’harmonie) et d’autres symphoniques (qui jouent ensemble). Il en est de même des nations. Peut-on rêver d’un monde à la fois philharmonique et symphonique ?
J’ai toujours beaucoup de plaisir à vous lire et je partage bon nombre de vos points de vue. Merci pour vos billets !
tres bon billet merci
L’ukraine a fait parti de l’empire ottoman (Turkie)pendant environ 500 ans. Elle a été conquise par Catherine de Russie vers la fin du 19 ième siècle. Comment peut-elle devenir l’âme de la russie en si peu de temps? C’est peut-être à la Turkie de revendiquer le territoire?
Michel. Kiev a toujours été et est encore l’âme de TOUTES les Russies. Vous avez besoin de mettre à jour vos connaissances sur Kiev et l’âme russe. Voici une suggestion pour corriger vos erreurs et surtout enrichir vos connaissances sur l’histoire de la civilisation russe.
https://jeanpierrerousseaublog.com/2022/02/25/la-grande-porte-de-kiev/
M. Du Berger, vous parlez de Kiev au Nord… Michel semble faire référence au Sud… l’Ukraine est quand même un grand territoire.
Jusqu’à 1860, les tatars d’origine Turcs étaient majoritaires en Crimée.
Remplacement de population à partir de la fin du xviiie siècle
« Les Tatars de Crimée restent majoritaires tant que le khanat subsiste. En 1782 toutefois, la noblesse criméenne se révolte contre le khan Chahin Giray (Şahin Giray) qui fait appel aux Russes. Catherine II en profite pour annexer le pays. »
https://fr.wikipedia.org/wiki/Démographie_de_la_Crimée
Cette situation a connu son aboutissement vers 1944 avec la Déportation des Tatars de Crimée : https://fr.wikipedia.org/wiki/Déportation_des_Tatars_de_Crimée
Normand….et Michel… avez-vous écouté les extraits musicaux que j’ai semés sur ce billet ? qu’est ce que cela vous inspire ? C’est pourtant la quintessence de ce billet.. l’âme russe … Kiev la rousse ou la russe .. cela vous dit quelque-chose ? Moussorgski ? La Grande Porte de Kiev ?
La « Cancel Culture » pas juste l’apanage de la Gauche électron libre & des Wokistes .
CHOI FM pour ne pas les nommer, supposé être une radio conservatrice , on y glorifie la « kétaînerie » amerloque 🇺🇲 de l’hédonisme au libertarien égocentrique & du facile .
On a deux tribunes d’écho où l’on pourrait élever un peu plus la barre plus haute pour éduquer & inculquer un peu plus de culture historique & générale. Les facéties & pirouettes de guignols qui prévaut à cette antenne dominante de Québec.
Bandera 🇺🇦 ce n’est pas un groupe de métal hurlant chevelus des années 80. ;-).
Lecteur Libre… Je vais chercher la culture en France à défaut de la trouver sur nos médias québécois.
Господин Пастухob,
(Sieur Du Berger)
Non seulement vous êtes un érudit en sciences, mais vous possédez aussi le don unique, extraordinaire, de diapason musical qui vous fait vibrer et vous permet de comprendre l’âme des peuples et autres choses.
Voici mon problème : jeudi dernier, le 16 mars – le plus chaud de l’histoire, j’ai entendu le criaillement de l’oie. D’une volée d’oies, ensuite une autre et ainsi de suite pendant deux heures.
Très content que le printemps soit arrivé, j’ai constaté que les oiseaux volaient tous vers le sud.
Je fais donc un appel à vous en tant qu’amateur et exégète du ‘Lac des cygnes’ de Tchaïkovski, ce qui fait de vous l’expert en ordre des Ansériformes.
– Pourquoi ces oies volaient vers le sud (trop de neige ou manque de nourriture disponible) ?
– La dérive trop importante du pôle nord magnétique vers l’Est, d’où l’erreur de guidage ?
– Une anomalie du vecteur de champ magnétique local dans les Basses Laurentides (causée par les changements climatiques sans doute) ?
– Pourquoi les oies criaillent en vol ? Déjà, juste voler à grande vitesse requiert beaucoup d’énergie, alors pourquoi en dépenser pour criailler ?
– Ces outardes hâtives, sont-elles la preuve de la Crise climatique et présagent-elles la fin du monde dans 4, 6 ou 10 ans (*) ?
Merci d’avance pour vos lumières,
Paul Clim Atenkriz
NOTE (*) : À l’unisson, les Grands Bonzes du Parti Démocrate expriment leur certitude ABSOLUE de la fin très proche.
“ Don’t you believe in Science ? “
Deux citations :
« Nobody knows how to get rid of … how to get cows to stop farting. »
« I can’t imagine there will be a human on the planet in ten years. »
Profétisé en 2016 – donc exit humain dans quatre ans.
Paul… Comportement bizarre en effet… On a déjà placé des bobines d’induction sur la tête de pigeons et autres oiseaux migrateurs pour voir s’ils utilisent le champ géomagnétique pour se guider… Mais nos climato-alarmistes et climato-gauchistes nous ont habitués à accuser le RCA pour tout ce qui est inhabituel sur la Terre. Sauf que cette fois-ci, cela agit contre leur hypothèse. S’il fait de plus en plus chaud, ces oies devraient fuir vers le nord. Nous devons donc nous en réjouir… et ya pas que les cris… si vous observez bien avec des jumelles, vous verrez que les oies de tête font une aile d’honneur aux climato-gauchistes en passant au-dessus des universités, de OURANOS et de Environnement Canada.
Je vois : des bobines d’induction pour chauffer la tête du pauvre pigeon et ainsi faire constater par les foules l’effet terrible du réchauffement climatique meurtrier.
Vous avez fait fourcher rapidement votre opinion d’expert du ‘Lac des cygnes’ au ballet ‘Les deux pigeons’. Pourquoi ? Les pigeons de La Fontaine transposés au monde des humains. Une transposition musicale de la transposition originale.
À moins que scientifique mélomane que vous êtes, c’est le chant “Tesla’s Pigeon” qui a guidé votre réflexion. L’électromagnétisme n’avait pas de secret pour le génie un peu bizarre. Heureusement que je n’ai pas votre don de syntonisation de mon âme à la musique. De quoi virer fou en écoutant cette pièce musicale.