Au Québec on aime bien rebaptiser périodiquement nos ministères. On croit ainsi faire le ménage de printemps, dépoussiérer, faire renaître, regonfler la baudruche affaissée. On vous propose alors un menu apprêté à la sauce québécoise, et même s’il vous paraît différent parce qu’enrobé de « valeurs québécoises », c’est toujours la même insipide tambouille. Pourquoi les parcs seraient accolés aux Ressources naturelles et la condition féminine à la culture? Le loisir et le sport à l’éducation? Et les couleuvres brunes de l’Échangeur Turcot, on les fourre où? Il doit bien y avoir un ministère qui s’occupe de la faune non? Et si on regardait du côté des Parcs?
Trève de sarcasmes toponymiques ministériels, je débute donc ici une tétralogie de billets sur l’éducation.
François Legault en a étonnés certains et choqués d’autres avec ses propositions en éducation. Je tenterai de faire comme lui, en espérant le faire un peu mieux. Il ne propose qu’une évaluation des enseignants assortie d’une « prime ». Je ne suis pas un éducateur. Je suis un professeur à la retraite qui a vu défiler quelques générations d’élèves et qui a donc assisté à la lente agonie du système d’éducation québécois. Si l’on n’intervient pas maintenant, il y a péril en la demeure. Notre première richesse naturelle, c’est nos jeunes cerveaux, bien avant les mines, la forêt, les ours polaires, le gaz et le pétrole. Avant de proposer, comme le fait Legault des pistes de solutions, il faut d’abord examiner tous les acteurs du drame et redéfinir leur rôle s’il y a lieu.
Le MELS (Ministère de l’éducation, du loisir et du sport)
« Et une condition féminine avec ça ? » C’est une boutade bien sûr. Mais vu le rôle prépondérant et croissant des femmes dans notre système éducationnel, je ne serais pas étonné qu’on y déménage bientôt la condition féminine qui est présentement accolée à la culture.
Le MELS est le chef d’orchestre. Il est celui qui dicte le contenu des programmes d’enseignement et celui des facultés de sciences de l’éducation. Son rôle est beaucoup trop important. Je propose qu’on le réduise considérablement ( en réduisant proportionnellement le nombre de fonctionnaires bien sûr) à celui de définition des objectifs. Le contenu revient aux écoles. Pourquoi une école de Gaspésie enseignerait la même géographie que celle enseignée à Montréal?
On a présentement des cours qui portent des titres comme « Le monde contemporain » dans lesquels on peut mettre n’importe quoi, et surtout des notions à travers lesquelles l’enseignant peu scrupuleux peut facilement endoctriner plutôt qu’enseigner. Je le constate à presque chaque fois que je visite des classes du secondaire, et qu’à la manière des inspecteurs d’écoles de jadis, j’interroge la classe.
Il faut revenir aux matières de base qui sont essentiellement le français, l’anglais, l’histoire (universelle et canadienne), la géographie, les arts et la culture, les mathématiques, les sciences clairement identifiées et non pas noyées à travers des thématiques bidon et politico-sociales comme « éducation à l’environnement », donc retour vers les bonnes vieilles physique, chimie, biologie et géologie. Fini les messages idéologiques camouflés dans l’étude de l’atmosphère, du cycle de l’eau, des sols ou de l’ours polaire! Pas de place pour le sport ou ces affreux orchestres de 30 flûtes à bec dissonantes en plastique qui vous écorchent les oreilles de leur « Ah vous dirais-je maman « . Si la musique doit être enseignée dans le cours d’arts et culture, ce sera celle de Bach, de Mozart et de Beethoven avant toute autre.
L’élève, dont on sous-estime trop souvent les capacités d’analyse et de synthèse, fera lui-même les liens entre ces sciences et ensuite avec les situations qu’il vit quotidiennement; il développera lui-même ses « compétences transversales », sans qu’on doive lui tracer un chemin pré-défini qui est souvent celui menant aux opinions politiques de l’enseignant et de son syndicat, ou celui des fonctionnaires du MELS qui ont défini un contenu de « module d’enseignement » et choisi un manuel scolaire officiel contenant les messages appropriés comme support à l’enseignant, tout ça devant un déjeuner bien arrosé sur une terrasse de la Grande Allée.
C’est comme ça qu’on aboutit à un manuel scolaire qui devrait normalement être rédigé avec la rigueur qu’on attend des sciences physiques et naturelles, mais qui montre plutôt à vos enfants un ourson polaire isolé sur son glaçon à la dérive avec en filigrane une dénonciation non équivoque du carnage arctique causé par les émissions carboniques du diabolique 4×4 des parents.
À la longue, on verra les écoles qui auront les meilleurs contenus, et celles qui resteront à la remorque du « Ministère ». Ne nous étonnons pas de découvrir alors que les premières abritent aussi les meilleurs enseignants. Les parents auront le choix. Un indice de plus d’une société mature qui n’adhère pas plus à la pensée unique qu’à l’enseignement unique.